Ce mois-ci, on vous présente Audrey Meganck, consultante en actuariat et CEO de Detralytics. Un cabinet belgo-français de conseil et de formation en actuariat, data science et gestion des risques qui a le vent en poupe. L’entreprise a en effet doublé son CA en un an et se développe à présent à l’international. Rencontre avec une femme aux multiples casquettes, capitaine d’un navire actuariel qu’elle dirige d’une main de maître.
1. Bonjour Audrey, peux-tu nous résumer ton parcours professionnel ?
Durant ma thèse en mathématiques, Jean-Claude Debussche, alors CEO de Mensura (BE) – Assubel à l’époque-, a attiré mon attention sur le métier d’actuaire. J’ai alors décidé de quitter le monde théorique des mathématiques pures pour me lancer dans quelque chose de plus appliqué. Jean-Claude est une de ces personnes qui a joué un rôle important dans le développement de ma carrière. C’est un luxe d’avoir un mentor comme lui toujours prêt à vous conseiller.
En parallèle de mes études d’actuaire, j’ai été engagée chez Assubel-Accident du travail (BE) en tant que gestionnaire de contrats (département souscription). Cette combinaison particulière m’a énormément aidée au fil de ma carrière. Le fait de comprendre comment un gestionnaire évalue un risque, colle un prix sur un risque, interagit avec un courtier, … ce sont des aspects qui ne s’apprennent pas à l’université mais qui sont tellement importants dans le fonctionnement d’une compagnie d’assurance.
Une fois mon diplôme en poche, j’ai naturellement évolué en interne vers une fonction plus technique mais toujours en lien avec la souscription, ou plutôt de son suivi. Cette expérience m’a permis de poursuivre mon évolution vers le Risk Management qui commençait à émerger avec l’arrivée de Solvabilité II.
Lors du rachat de la partie business de Mensura par Allianz, j’ai rejoint leur département Risk Management. Manager d’un plus grand périmètre, j’ai pu travailler sur des projets d’intégration et élargir mes connaissances techniques en traitant plusieurs lignes de métiers. J’ai ensuite poursuivit mon développement en Risk Management en rejoingant Federale Assurance durant deux ans.
Enfin, après 10 ans dans le Risk Management, j’ai eu envie de rejoindre à nouveau une fonction de « première ligne » au sein de Belfius (BE) en tant que Responsable Technique P&C. Même si le Risk Management est passionnant et se veut, heureusement, de plus en plus intégré au business, cela reste une fonction de « contrôle » et j’ai eu envie de me rapprocher du monde que j’avais connu à mes débuts dans le monde de l’assurance, c’est-à-dire le business et la souscription. À présent, je suis à la tête, depuis 4 ans, d’un cabinet de conseil.
2. Pourquoi avoir choisi aujourd’hui le monde du conseil ? C’est le poste de CEO qui t’a attirée ?
Ce poste me permet en effet de découvrir une multitude de domaines et de compagnies. En plus, quand ton leadership est apprécié, ça fait plaisir.
Cependant, la montée en grade n’a jamais influencé mes choix de carrière. J’avoue même être gênée quand on me présente en tant que CEO. Ça fait très « imposant » … Mes changements de carrière n’ont jamais été calculés. J’ai plutôt saisi les opportunités qui se présentaient à moi lorsque tous mes critères de sélection étaient réunis : le challenge, le contenu et l’aspect humain. J’avoue n’avoir jamais envisagé le monde du conseil avant Detralytics.
3. Qu’est ce qui te plaît le plus chez Detralytics ?
Ce qui est primordial pour moi, c’est de sentir que je peux apporter une réelle valeur ajoutée à un projet, une équipe tout en restant challengée au niveau intellectuel. C’est ce que je retrouve chez Detralytics. J’apprécie également la diversité de mes tâches, la découverte de nouveaux domaines, mes rencontres avec les compagnies d’assurance, le côté start-up qui me permet d’écrire l’histoire de la boîte quasiment « from scratch » et surtout l’aventure humaine. En effet, Detralytics veut offrir un réel tremplin aux jeunes actuaires diplômés grâce à son programme TAP (Talent Accelerator Program). Les accompagner, les conseiller et surtout les voir évoluer m’apporte énormément de satisfaction.
Outre ma fonction, je me considère toujours comme actuaire et mathématicienne. Ce poste me permet de continuer à faire des liens entre les évolutions académiques et le côté technico-pratique par l’application des développements récents à une réelle problématique. Voir que ces contributions apportent de la valeur est extrêmement satisfaisant
4. Des conseils à donner aux actuaires qui souhaitent faire évoluer leur carrière aussi rapidement que la tienne ?
Selon moi, c’est important de garder une curiosité accrue pour son domaine. C’est quelque chose qui m’a été inculqué par mon autre mentor, Jean-Marie Maes (alors conseiller chez Mensura) lors de mes premières années en tant qu’actuaire. Sa curiosité et son grand intérêt pour les évolutions techniques m’ont vraiment marquée. Enfin, je recommanderais à tous de sortir de sa zone de confort régulièrement en se lançant de nouveaux défis. Participer à des formations, à des groupes de travail peut également être très riche en termes de contenus et de contacts pour élargir ses horizons.
5. Cheffe d’entreprise, formatrice, consultante experte, membre du conseil de l’Institut belge des actuaires…. Tu es sur tous les fronts ! Pourquoi ce choix ?
C’est plus qu’un choix, c’est un besoin. Toutes ces activités me nourrissent intellectuellement et humainement et sont un vrai moteur pour moi. Actuellement, je ne pourrais me contenter que d’un seul rôle. Tant que ça fonctionne, je continue !
6. Une expérience qui t’a le plus marquée durant ta carrière ?
Avec du recul, ce sont les rencontres qui me restent le plus en tête. Pas seulement les collègues aux côtés de qui j’ai pu évoluer mais aussi des personnes côtoyées au sein d’évènements, de l’institut ou encore de formations.
7. Selon Women in Finance, moins de 30% des cadres supérieurs dans la finance sont des femmes. Que conseillerais-tu aux femmes qui souhaitent atteindre les plus hautes fonctions ?
De ne surtout pas changer, de rester soi-même. On entend bien trop souvent que les femmes peuvent être moins entendues que les hommes parce qu’elles ne vont pas taper du poing sur la table. Une femme qui tape sur la table est considérée comme arrogante alors qu’un homme est perçu comme un grand leader. En tapant sur la table, on se fait entendre mais pas toujours comprendre. Au lieu de croire qu’il faut faire pareil pour se distinguer, je préfère encourager les femmes à contourner ce genre de stéréotypes en brillant par leurs compétences, leur détermination et la reconnaissance de leurs pairs. De plus, je suis persuadée que dans toute communauté, la diversité est essentielle.
8. Quels sont les challenges que tu as dû surmonter au fil de ta carrière et en tant que femme ?
En tant que femme, le défi est souvent de pouvoir concilier carrière et vie privée. C’est cliché, mais c’est la réalité surtout quand on veut fonder une famille. Mes engagements professionnels me privent de certains moments. Même si j’ai la chance d’avoir une famille exceptionnelle qui nous aide beaucoup, je ressens toujours un sentiment de culpabilité si je ne passe pas assez de temps avec mes enfants.
Et en tant qu’actuaire ?
En tant qu’actuaire, mon plus grand défi a été la communication avec des profils moins techniques. Avoir dû gérer une relation avec des commerciaux au début de ma carrière m’a énormément appris à ce niveau-là. Quand on parle de communication, on pense souvent à la partie « transmission de message » mais décrypter les besoins et les enjeux est tout aussi important.
9. Tu mènes à ce jour une carrière internationale, quelles sont les différences les plus marquantes entre les marchés français et belge ?
Marquante, comme ça je n’en vois pas hormis les différences culturelles que l’on connaît déjà. Je dirais peut-être que le marché français est beaucoup plus grand vu la taille de son territoire et de ce fait, plus fermé que celui de la Belgique. En Belgique, tout le monde se connaît et se suit. En France, tout bouge très vite. On peut vite perdre le fil. Cependant, un grand réseau offre plus d’opportunités à des jeunes start-ups comme la nôtre.
10. Justement, une anecdote à nous raconter ?
Lors d’une réunion en France on m’a demandé de connecter « la pieuvre ». Je me suis sentie bête car je ne voyais pas de quoi il s’agissait. J’ai posé 3 fois la question en cherchant une pieuvre autour de moi. En Belgique, on appelle ça une araignée téléphonique.
11. Une leçon apprise durant ta carrière ?
Que le contenu d’une fonction est très important mais que la culture d’entreprise et les gens qui t’entourent le sont tout autant.
12. Si tu pouvais changer une chose dans ton métier ?
Très bonne question, comme ça je ne vois pas. J’adore mon métier et j’adore en parler.
13. Des projets futurs ?
Continuer à voir évoluer Detralytics et ses consultants. Je participe également à des activités en dehors du monde des assurances. J’ai toujours été intéressée par le fait d’appliquer nos modèles ou techniques d’actuaires à d’autres domaines. J’aide pour l’instant une start-up dans le monde du recouvrement à mettre en place des analyses de facteurs de risques pour optimiser la gestion de créances.
14. On va terminer par notre dernière question signature, celle qu’on pose à tout le monde pour clôturer cette interview. Que ce soit personnel ou professionnel : qu’est-ce que tu aimerais oser faire et que tu n’as pas encore fait ?
Traverser l’océan Atlantique en voilier, de préférence avec mon papa.
Merci Audrey de nous avoir accordé ton temps pour réaliser cette interview.
Vous avez un parcours atypique ? Vous connaissez un.e actuaire à la carrière florissante ? Envoyez-nous un message à info@asquarepartners.com. Nous serions ravis de réaliser une interview ensemble pour partager votre expérience avec le plus grand nombre.